Les fractales de Mandelbrot et Julia

Wikipedia : Ensemble de Mandelbrot, Ensemble de Julia, Benoît Mandelbrot (1924-2010), Gaston Maurice Julia (1893-1978).

Cette page poursuit l'étude des fractales obtenues par itération d'une fonction complexe, en présentant en détail un exemple très célèbre correspondant au cas des fonctions quadratiques : l'ensemble de Mandelbrot et les ensembles de Julia.

L'ensemble de Mandelbrot en particulier est un des prototypes de fractales parmi les plus beaux et les plus simples à définir, à tel point qu'il est assez clairement devenu l'emblème de la science fractale. C'est un objet mathématique qu'on ne pouvait manquer de rencontrer un jour, comme le cercle, l'exponentielle, le nombre $\pi$, la transformée de Fourier, la fonction $\Gamma$, le mouvement brownien.

Ci-dessous une vidéo illustrant l'aspect fractal de l'ensemble de Mandelbrot : un zoom continu révèle de nouveaux détails à toutes les échelles. "Si l'image finale était de la taille de votre écran, l'ensemble entier serait plus grand que l'univers connu."

Construction des ensembles de Mandelbrot et Julia

Comme dans la section précédente, à chaque point $(x,y)$ du plan, assimilé à un nombre complexe $z = x + iy$, on associe une orbite (ou trajectoire), c'est-à-dire une suite de points $(Z_n)_{n=0,1,2,...}$. Ici, cette suite est définie par la formule de récurrence :

(1)
\begin{align} Z_0 = z\mbox{ et }Z_{n+1} = Z_n^2 + C, \end{align}

$C=z$ dans le cas Mandelbrot et $C$ constant dans le cas Julia.

En coordonnées réelles (abcisses et ordonnées), cela revient donc à construire deux suites $(X_n)$ et $(Y_n)$ telles que :

(2)
\begin{array} {c}X_0 = x\\Y_0 = y \end{array}

et

(3)
\begin{array} {rl}X_{n+1} =& X_n^2 -Y_n^2 + C_x \\ Y_{n+1} =& 2X_nY_n + C_y. \end{array}

$C_x = x$ et $C_y = y$ dans le cas Mandelbrot, et $C_x$ et $C_y$ sont des constantes dans le cas Julia.

julia1a.png julia1b.png mandel.png
L'ensemble $J(C)$ de Julia
avec $C = 0,72 + 0,11i$
L'ensemble $J(C)$ de Julia
avec $C = 0,28 - 0,02i$
L'ensemble $M$ de Mandelbrot

On notera $J(C)$ l'ensemble fractal de Julia de paramètre $C$, comme défini précédemment, c'est-à-dire l'ensemble des points dont l'orbite ne fuit pas à l'infini. On devrait parler de Julia "plein" ou "rempli" (filled Julia set), car au sens strict l'ensemble de Julia n'est que la frontière $\partial J(C)$ de l'ensemble que nous venons de définir, mais cet abus de langage est fréquent.

On notera $M$ l'ensemble fractal de Mandelbrot. Pour simplifier on dira juste "le Julia" et "le Mandelbrot".

Description fine des ensembles de Mandelbrot et Julia

Propriétés élémentaires des Julia et du Mandelbrot

Remarquons qu'il y une infinité de Julia , un différent pour chaque choix de $C$. Par contre, il n'y a qu'un seul Mandelbrot. Les Julia ont une forme très autosimilaire : les détails qui apparaissent lorsqu'on zoome le voisinage d'une partie de la frontière sont fortement similaires à l'ensemble entier. L'ensemble de Mandelbrot est sensiblement plus complexe, on peut même en un certain sens le considérer comme une carte, un résumé des Julia : chaque point $C$ du Mandelbrot "ressemble" au Julia de paramètre $C$.

Plus concrètement, on peut lire directement sur les équations que l'orbite $(Z_n)$ du point $0$ pour le Julia de paramètre $C$ est exactement la même que l'orbite du point $C$ pour le Mandelbrot (éventuellement, à un décalage d'indice près). Donc, en particulier :

i) Le point $0$ appartient à $J(C)$ si et seulement si le point $C$ appartient à $M$.

Le point $0$ est particulier car c'est l'unique point critique de la fonction $f(z) = z^2 + C$ (ce qui veut simplement dire que $\frac{\partial f}{\partial z}(0) = 0$), et important à cause d'un résultat dû à Fatou, dont une conséquence est la suivante :

Théorème de Pierre Fatou (1878-1929)

Si un polynôme ou une fraction rationnelle possède un $p$-cycle stable, alors au moins un des points critiques va converger vers ce cycle.

L'ensemble de Mandelbrot est donc l'ensemble des $C$ tels que la fonction $f$ possède un cycle attracteur (attractive cycle) stable.

Les propriétés suivantes sont des exercices (plus ou moins) faciles :

ii) L'ensemble de Mandelbrot est symétrique par rapport à l'axe des abcisses (axe des réels).

iii) L'ensemble de Mandelbrot est inclus dans le disque fermé centré en $0$ de rayon $2$.

iv) Chaque ensemble de Julia est symétrique par rapport au point $0$ (invariant par rotation de 180°).

v) L'ensemble de Julia $J(\overline{C})$ est le symétrique de l'ensemble $J(C)$ par rapport à l'axe des abcisses (où $\overline{C}$ est le complexe conjugué de $C$, c'est à dire le symétrique de $C$ par rapport à l'axe des abcisses).

vi) Conséquence immédiate de la propriété précédente : si $\overline{C}=C$, autrement dit pour $C$ réel, l'ensemble de Julia J(C) est de plus symétrique par rapport à l'axe des abcisses, donc également symétrique par rapport à l'axe des ordonnées.

vii) L'ensemble de Julia de paramètre $C$ est inclus dans le disque fermé centré en $0$ de rayon $\max(2;|C|)$.

viii) Pour $C=0$, l'ensemble de Julia $J(0)$ est le disque fermé centré en $0$ de rayon $1$.

ix) Pour $C=-2$, l'ensemble de Julia $J(-2)$ est le segment $[-2,0]$.

Connexité des Julia et lien avec le Mandelbrot

On sait démontrer que si un Julia ne contient pas 0, alors il n'est pas connexe (il n'est pas fait d'un seul bloc). On peut le comprendre intuitivement, car 0 est le centre de symétrie de chaque Julia (donc ce point central va être systématiquement absent des répétitions de plus en plus petites de l'ensemble). On appelle ce résultat la dichotomie fondamentale des Julia, il n'y a que deux possibilités :

  • soit le point 0 n'appartient pas au Julia (c'est à dire l'orbite du point 0 n'est pas bornée), et dans ce cas le Julia n'est qu'une poussière de point espacés les uns des autres, dite poussière de Cantor,
  • soit le point 0 appartient au Julia et dans ce cas le Julia est un ensemble connexe.

Ainsi en utilisant la "propriété élémentaire" i), on peut dire que

(4)
\begin{align} M\mbox{ est form\'e des points }C\mbox{ tels que }J(C)\mbox{ est connexe.} \end{align}

Le Mandelbrot peut donc être vu comme une carte de la connexité des Julia. Quand on choisit $C$ à l'intérieur de $M$, le Julia $J(C)$ est connexe (fait d'un seul bloc), d'autant plus large que $C$ est loin de la frontière de $M$. Pour $C$ sur la frontière, $J(C)$ devient très fin, on parle de structure dendritique, connexe mais d'intérieur vide. Puis au-delà, pour un $C$ à l'exterieur de $M$, $J(C)$ est réduit à une poussière de points, de moins en moins dense lorsque $C$ s'éloigne de $M$.

Périodes des bulbes du Mandelbrot

Le Mandelbrot peut être assimilé à une sorte de carte de l'itération des polynômes complexes du second degré $f(z) = az^2 + bz + c$. Par un changement d'échelle et une translation, on peut se limiter à étudier les polynômes de la forme :

(5)
\begin{equation} f(z) = z^2 + C. \end{equation}

Tout dépend du seul paramètre complexe $C$, ce qui permet une représentation graphique bidimensionnelle complète.

Analysons la stabilité de l'itération de cette fonction au moyen des outils de la section précédente.

Sous-ensemble des points convergents

Pour un point donné $C$, les points fixes de $f$ vérifient

(6)
\begin{align} f(z) = z^2 + C = z\mbox{, soit }z^2 - z + C = 0, \end{align}

donc on a deux points fixes $\alpha$ (distincts sauf si $C=\frac{1}{4}$) en fonction de $C$ :

(7)
\begin{align} \alpha = \frac{1}{2}.( 1 \pm\sqrt{ 1 - 4C }). \end{align}

Etudions la stabilité de ces points fixes, cherchons où sont les points $C$ tels que le module $|f′(\alpha)|$ soit égal à une constante $r$ donnée. En utilisant les coordonnées polaires, écrivons :

(8)
\begin{align} f'(\alpha) = r e^{i\theta} \mbox{, pour }\theta\in[0,2\pi[\mbox{ et }r > 0. \end{align}

Comme $f'(z) = 2z$,

(9)
\begin{align} 1\pm\sqrt{ 1 - 4C }= r e^{i\theta},\mbox{ soit }1 - 4C = ( r e^{i\theta} - 1 )^2, \end{align}

d'où, en cherchant à regrouper les exponentielles complexes en cosinus,

(10)
\begin{align} C = \frac{r}{2}e^{i\theta} - \frac{r^2}{4}e^{2i\theta} = \frac{r}{2}e^{i\theta}( 1 - \frac{r}{2}e^{i\theta} ) = \frac{r}{2}e^{i\theta} ( 1 - \frac{r}{2}e^{i\theta} - \frac{r}{2}e^{-i\theta} + \frac{r}{2}e^{-i\theta}) = \frac{r}{2}e^{i\theta} ( 1 - r \cos \theta ) + \frac{r^2}{4}. \end{align}
mandel1.png

La composante principale de $M$

Pour $r = |f'(\alpha)| = 1$, on obtient l'ensemble des $C$ tels qu'au moins un des points fixes $\alpha$ soit neutre : cette courbe est la frontière entre la stabilité et l'instabilité lors de l'itération de $f$. En coordonnées polaires centrées en $(x,y) = ( \frac{1}{4} , 0 )$, cette courbe prend la forme simple :

(11)
\begin{align} \rho(\theta ) = \frac{1}{2}.(1-\cos \theta ) \mbox{, pour }\theta\in[0,2\pi[. \end{align}

On peut reconnaitre l'équation d'une cardioïde (forme de coeur), qui est la composante principale de l'ensemble de Mandelbrot.

L'intérieur de la cardioïde principale du Mandelbrot $M$ représente les points $C$ tels que les points fixes de la fonction $f(z)=z^2+C$ sont stables, donc tels que l'orbite de $C$ sous l'action de $f$ est convergente vers un point fixe. Sur l'axe réel, elle s'étend de $x=\frac{1}{4}$ à droite (pour $\theta=0$) à $x=−\frac{3}{4}$ (pour $\theta=\pi$). En coordonnées cartésiennes, son équation ( paramétrée par $\theta\in[0;2\pi[$ ) s'écrit :

(12)
\begin{array} {rl} x(\theta) & = \frac{1}{2} \cos \theta (1 - \cos \theta ) + \frac{1}{4}, \\ y(\theta) & = \frac{1}{2} \sin \theta (1 - \cos \theta ) \end{array}

Pour tout $C$ à l'intérieur de cette cardioïde, donc pour $C = \frac{r}{2}e^{i\theta } ( 1 - r cos \theta ) + \frac{r^2}{4}$ avec $r < 1$, les deux points fixes de $f$ sont :

(13)
\begin{align} \alpha = \frac{r}{2}e^{i\theta } \mbox{ et } \alpha = 1 - \frac{r}{2}e^{i\theta}. \end{align}

Ces points sont stables puisque $|f′(\alpha)| = r < 1$.

Sous-ensemble des points convergents vers un 2-cycle : le bulbe 1/2

Si l'on veut étudier les 2-cycles, il faut s'intéresser à la fonction $f$ itérée 2 fois. En effet, les points 2-périodiques pour $f$ sont les points fixes de $f^{(2)}$, ils vérifient donc :

(14)
\begin{equation} f^{(2)}(z) = f(f(z)) = ( z^2 + C )^2 + C = z, \end{equation}

soit

(15)
\begin{equation} z^4 + 2Cz^2 - z + C^2 + C = ( z^2 - z + C )( z^2 + z + C + 1 ) = 0. \end{equation}

On retrouve le polynôme déjà rencontré $f(z) - z = z^2 - z + C$ en facteur, puisque les points fixes sont en particulier 2-périodiques. On a ainsi 4 points solutions, les deux points fixes $\alpha$ déjà calculés, et les deux points périodiques suivants :

(16)
\begin{align} \beta = \frac{1}{2}( -1 \pm\sqrt{ -3 - 4C} ). \end{align}

Pour étudier la stabilité de ces points fixes, on s'intéresse à la dérivée de $f^{(2)}$. On a $\frac{\partial f^{(2)}}{\partial z} (z) = 4z^3 + 4Cz = 4z( z^2+C )$, donc, aux points $\beta$,

(17)
\begin{align} \frac{\partial f^{(2)}}{\partial z} (\beta) = 4\beta( \beta^2 + C ) = 4\beta( - \beta - 1 ) = -4( \beta^2 + \beta ) = 4( C + 1 ), \end{align}

car $\beta^2+C = - \beta - 1$ et $\beta^2 + \beta = - C - 1$ en utilisant l'équation $\beta^2 + \beta + C + 1 = 0$.

mandel2.png

La première composante secondaire de $M$, le bulbe $1/2$

Comme précédemment, on paramétrise l'ensemble des points $C$ tel que les points fixes $\beta$ sont stables grâce aux coordonnées polaires :

(18)
\begin{align} \frac{\partial f^{(2)}}{\partial z}(\beta) = r e^{i\theta} , \end{align}

d'où

(19)
\begin{align} C = -1 + \frac{r}{4}e^{i\theta}. \end{align}

Pour $r=1$, la limite entre la stabilité et l'instabilité des points fixes pour $f^{(2)}$ est donc un cercle de centre $-1$ et de rayon $\frac{1}{4}$. C'est le plus gros "bulbe" secondaire du Mandelbrot, tangent à la cardioïde en $x=-\frac{3}{4}$, appelé bulbe $\frac{1}{2}$ car c'est le premier bulbe de périodicité 2.

feigen.png

Le diagramme de Feigenbaum associé à l'itération
de la fonction $x\rightarrow x^2+C$, pour $C\in[-3;1]$.
La ligne rouge représente la limite de Feigenbaum
($C = -1,401155...$) entre la cascade
de doublements de période et le chaos.

La cascade de doublement de période précédant le chaos

Intéressons-nous à la suite de disques alignés sur l'axe réel, à gauche de la cardïode. Nous avons vu que le premier disque, centré en $-1$, est exactement l'ensemble des point 2-périodiques (non-fixes) stables pour $f$. Le disque suivant est un ensemble de points 4-périodiques stables, le suivant correspond à une période de 8, etc.

Ce phénomène de cascade de doublement de période pour les fonction réelles à été étudié en particulier par Feigenbaum. On peut l'observer sur ce diagramme à droite. En abscisse, la valeur de $C$ est ici un nombre réel entre -3 et 1, aligné avec les bulbes du Mandelbrot $M$ des graphes au-dessus, et sur l'axe des ordonnées on a représenté les valeurs d'adhérence (qui sont toutes réelles, entre −2 et 2) de la suite $(Z_n)$ obtenue par itération de $f$.
Ce dessin représente donc le comportement limite des orbites, partant de l'axe réel, c'est à dire de la tranche médiane de $M$.

On observe nettement le phénomène de doublement de période : cette suite a une limite pour $C$ dans la cardioïde $(-0,75 < C < 0,25)$, deux valeurs d'adhérence dans le premier disque $(-1,25 < C < -0,75)$, quatre valeurs dans le disque suivant, etc.
Quand $C$ diminue, ces doublements sont de plus en plus rapprochés, et d'intensité faible, à tel point qu'ils ont une fin même s'ils sont en nombre infini. En-dessous d'une certain seuil (pour $-2 < C < -1,401155...$), au-delà de la fin de la suite de disque, les orbites deviennent chaotiques, il y a une infinité de valeurs d'adhérence.
Le diagramme est complet, puisque la suite diverge si $C < -2$ ou $C > 0,25$, c'est à dire à l'extérieur de $M$, dans ce cas il n'y a donc aucune valeur d'adhérence.

Sous-ensemble des points convergents vers un q-cycle : le bulbe p/q

La géométrie de l'ensemble $M$ a été profondément étudiée par de nombreux mathématiciens ; on présente une classification naturelle des éléments qui le compose, qui se dégage notamment des travaux de R. Devaney (cf. Wikipedia : Ensemble de Mandelbrot / bourgeons, antennes et périodicités).

mandel-bulbs.png

L'ensemble $M$ de Mandelbrot (cliquez pour agrandir) :
chacun des bulbes directement connecté à la cardioïde principale
est repéré par une fraction $\frac{p}{q}$, ordonnée dans le sens trigonométrique.

La cardioïde principale est entourée d'une infinité de bulbes (ou "bourgeons", quasi-circulaires), avec un point de jonction unique ; ces bulbes sont eux-mêmes entourés de séries d'autres bulbes, et de diverses décorations filamenteuses, en nombre infini.

A chaque bulbe directement tangent à la cardioïde principale, on associe un nombre rationnel $\displaystyle\frac{p}{q}$, avec $p$ et $q$ premiers entre eux (autrement dit, c'est une fraction mise sous sa forme irréductible), qui correspond à un angle de rotation "moyen" de l'orbite à chaque itération, exprimée en fraction d'un tour complet (donc $p<q$). Le point de contact sur la frontière de la cardioïde est exactement le nombre complexe :

(20)
\begin{array} {rl} C_{\frac{p}{q}} = & \displaystyle \frac{1}{4}+\frac{1}{2} \left(1-\cos 2\pi\frac{p}{q}\right) \displaystyle e^{2\pi i\frac{p}{q}} \\ = &\displaystyle \frac{e^{2\pi i\frac{p}{q}}} {2} \left(1-\frac{e^{2\pi i\frac{p}{q}}}{2}\right). \end{array}

Si l'on supprime un point $C_{\frac{p}{q}}$ de l'ensemble de Mandelbrot, on obtient deux ensembles disjoints. On parlera de branche $\frac{p}{q}$ pour désigner l'ensemble de tous les bulbes et filaments connectés au bulbe $\frac{p}{q}$.

Le nombre $q$ est précisément la périodicité (asymptotique) de l'orbite des points du bulbe $\frac{p}{q}$ (autrement dit, cette orbite converge vers un $q$-cycle). Le nombre $p$ est l'ordre d'apparition du bulbe lorsqu'on parcourt la frontière de la cardioïde dans le sens trigonométrique (inverse des aiguilles d'une montre). Pour $q\geq 2$, il y a exactement $q-1$ bulbes de périodicité $q$, et remarquons que le bulbe (resp. la branche) $1-\frac{p}{q}$ est conjugué (symétrique par rapport à l'axe réel) au bulbe (resp. à la branche) $\frac{p}{q}$.

De manière plus générale, les point de la branche $\frac{p}{q}$ convergent vers un cycle dont la longueur est un multiple entier de $q$.

On peut théoriquement calculer le lieu de ces points comme nous l'avons fait dans le cas $q=2$ ; l'étude de chaque fonction $f^{(q)}(z)-z$ nous donnera de nouveaux bulbes représentant les points fixes stables pour $f^{(q)}$, autrement dit les points q-périodiques stables pour $f$. Cependant cette équation se complique extrêmement vite, elle devient rapidement inextricable à la main.

Ces bulbes possèdent des propriétés géométriques remarquables, qui permettent notamment de "lire" graphiquement les nombres $p$ et $q$ :

  • L'ordre de périodicité $q$ correspond aux nombre d'antennes dans les filaments surmontant le bulbe $\frac{p}{q}$. Sur le graphe ci-dessus on observe nettement les 3 antennes surmontant les bulbes $\frac{1}{3}$ et $\frac{2}{3}$, les 4 antennes des bulbes $\frac{1}{4}$ et $\frac{3}{4}$, etc.
  • Parmi les $q$ antennes dans le prolongement du bulbe $\frac{p}{q}$, en comptant à partir de l'antenne attachée au bulbe, la $p$-ième antenne dans le sens trigonométrique est la plus petite, et la $p$-ième dans le sens anti-trigonométrique est la plus grande - lorsqu'on mesure ces antennes par une distance angulaire adaptée, qui ne coïncide pas exactement avec la distance euclidienne.
  • La taille des bulbes décroit exponentiellement avec $q$. En termes de distance angulaire, la taille de la branche $\frac{p}{q}$ est $\frac{1}{2^q -1}$.
  • Une conséquence intéressante du point précédent est la suivante. Entre le bulbe $\frac{p}{q}$ et le bulbe $\frac{p'}{q'}$, le plus gros bulbe est $\frac{p''}{q''}$ avec $p''=p+p'$ et $q''=q+q'$, correspondant à la fraction dont le dénominateur est le plus petit, selon la règle de Farey. Par exemple, le plus gros bulbe visible entre le bulbe $\frac{1}{3}$ et le bulbe $\frac{2}{5}$ est le bulbe $\frac{3}{8}=\frac{1+2}{3+5}$, etc.

Pour plus de détails, consulter l'excellent site de R. Devaney en anglais :

et ses articles, dont The Mandelbrot set and the Farey tree, Robert L. Devaney, 1997 (PDF). Voir aussi Bifurcation in Complex Quadratic Polynomial and Some Folk Theorems Involving the Geometry of Bulbs of the Mandelbrot Set, Monzu Ara Begum (MSc Thesis).

Quelques points remarquables du Mandelbrot
  • $C=−1,401155...$ : Le point de Myrberg-Feigenbaum est le point situé à la limite de la suite des disques tangents centrés sur l'axe réel, à gauche de la cardioïde. Cette valeur correspond à la fin d'une cascade de doublement de périodes, et est calculée à partir de la constante universelle de Feigenbaum. On parle aussi de point de Myrberg-Feigenbaum généralisé pour chaque composante "hyperbolique" de $M$ (pour chaque petite partie similaire à l'ensemble entier).
  • Au voisinage de $C=-0,75$ : La vallée de l'hippocampe (Seahorse Valley) est la région située entre la cardioïde et le plus gros disque de $M$, cette région est particulièrement riche en détails, et intéressante d'un point de vue graphique.
  • Au voisinage de $C=0,25$ : La vallée de l'éléphant.
Quelques Julia remarquables
  • $C=i$ : La dendrite de Julia
  • $C=-0,75$ (et aussi $C=-1$) : La basilique (the basilica), ainsi appelée car la forme de cet ensemble rappelle celle de la basilique San Marco à Venise (elle est parfois appelée "dragon de San Marco").
  • $C=C_{\frac{\sqrt{5}-1}{2}}= -0.3905408702184 + -0.58678790734696873i$ : Le disque de Siegel
  • $C=−0,123+0.745i$ : Le lapin de Douady (aussi appelé dragon de Douady)
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